Sept mythes sur le cannabis et sa légalisation
Publié le 22 Novembre 2018
Que nous dit la recherche scientifique derrière tous les discours évangélistes et alarmistes que nous entendons ?
Alors que la légalisation du cannabis peut amener son lot de frustrations, plusieurs semblent s'en être fait une opinion. Qu'en est-il vraiment? Que nous dit la recherche scientifique derrière tous les discours évangélistes et alarmistes que nous entendons?
Le système de prohibition des drogues, en place depuis maintenant plus de 100 ans, n'a jamais su remplir ses promesses. Il visait à réduire l'offre et la demande des drogues dans le but de minimiser les méfaits et d'augmenter la sécurité du public.
Malheureusement, les drogues s'avèrent aujourd'hui plus disponibles, moins chères et, surtout, plus dangereuses. Dans ce contexte, la guerre contre les drogues pourrait être mieux comprise lorsque nuancée en tant que lutte contre «certaines substances» et contre «certains utilisateurs».
En effet, l'alcool et le tabac (et la caféine) sont aussi des drogues, mais elles bénéficient d'un statut légal. Contrairement à la pensée populaire, ce statut n'est pas corrélé à leur degré de dangerosité.
La distinction entre les drogues «dures» et «douces» n'est pas valide scientifiquement. Dans un article scientifique publié dans The Lancet, une équipe d'experts a classifié les drogues en fonction de leurs méfaits sur l'individu, son entourage et la société.
En tête, nous retrouvons l'alcool, classé devant l'héroïne et le crack. Derrière se retrouvent les substances les moins nocives et celles dont le potentiel de dépendance est le plus faible. Dans cette catégorie, nous y retrouvons les drogues appelées psychédéliques, tels la MDMA (extasy), le LSD et la psilocybine (champignons magiques). Le cannabis se retrouve environ à mi-chemin entre ces différentes substances, derrière le tabac.
En s'approvisionnant sur le marché noir, les consommateurs sont exposés à d'autres types de substances illicites. Ils doivent aussi interagir avec des vendeurs, qui n'ont pas nécessairement la santé de l'utilisateur comme priorité.
La légalisation a comme objectif de mettre fin à ces deux types de problèmes: les jeunes de 18 ans et plus achetant du cannabis à la SQDC ne seront ni en contact avec les autres substances illicites ni avec les vendeurs du marché noir.
Du côté du Colorado, où le cannabis est légal depuis plus longtemps, les chercheurs constatent une diminution de la consommation chez les jeunes. C'est plutôt chez les 50 ans et plus qu'ils observent la principale augmentation.
Cette augmentation peut cependant être expliquée par l'arrivée, dans cette tranche d'âge, de personnes ayant vécu les années 60 et qui étaient déjà ouvertes à la consommation de cannabis.
Les États américains ayant légalisé le cannabis ont observé une augmentation de la consommation dans les cinq premières années suivant la fin de la prohibition. À la suite de cette période, l'effet de nouveauté s'estompe et les chiffrent redescendent.
Une augmentation de l'usage n'est cependant pas nécessairement synonyme d'une consommation problématique. Certains chercheurs parlent d'un effet de transfert. Maintenant que les options s'élargissent, les utilisateurs peuvent faire des choix adaptés aux différentes situations de consommation, réduisant ainsi leurs risques potentiels.
Au Québec, la production de cannabis à domicile est interdite. Selon la ministre Charlebois, l'une des idées derrière cette interdiction est que les enfants pourraient ingérer des fleurs de cannabis. La réalité n'est cependant pas aussi simple et dénote, selon moi, un certain manque d'information et d'éducation chez nos décideurs publics.
Afin d'obtenir les effets recherchés, le cannabis doit d'abord être séché et ensuite chauffé. En l'absence de chaleur, la fleur de cannabis contient seulement du THCA, un agent non psychoactif. C'est le processus de décarboxylation qui permettra à l'utilisateur de jouir des effets psychoactifs du produit. Ses actions ont donc été guidées avec cette intention manifeste et ne sont pas la conséquence d'un hasard.
Avec la légalisation et la régulation du cannabis, nous minimisons les deux grands types de méfaits causés par la prohibition: ceux causés par les drogues et ceux causés par la criminalisation. Il va sans dire qu'un passage en prison est souvent plus néfaste pour l'individu que sa consommation passée de drogues. Les méfaits liés à la criminalisation touchent principalement les populations déjà vulnérables et marginalisées. Au Canada, par exemple, les gens qui ont été criminalisés pour des offenses en lien avec le cannabis sont principalement issus des communautés noires et autochtones.
Malheureusement, plusieurs règlements mis en place par les provinces et les municipalités entrent en contradiction avec l'idée de réduire ce type de méfaits. Par exemple, une régulation trop stricte de la consommation dans les lieux publics contribuera à alimenter la stigmatisation des consommateurs et affectera davantage les personnes en situation d'itinérance, ce qui est en opposition avec les objectifs initiaux de la légalisation.
Enfin, bien que la légalisation du cannabis ait été principalement envisagée dans le cadre d'objectifs électoraux (pourquoi légaliser le cannabis alors que nous reconnaissons scientifiquement qu'une grande variété d'autres drogues est moins dangereuse pour la santé et qu'elle demeure illégale?), elle demeure selon moi un pas vers la bonne direction: celle de la décriminalisation de la possession et de l'usage de toutes les drogues.
Ultimement, cela permettra la mise en place de politiques de régulation permettant d'offrir un approvisionnement sécuritaire en produits psychoactifs. Bien que plusieurs se réfèrent à l'expérience du Portugal en matière de décriminalisation, cette idée n'est cependant pas nouvelle.
Déjà en 1970, au Canada, le rapport Le Dain recommandait la décriminalisation de toutes les drogues; une proposition qui avait été en majeure partie ignorée par le gouvernement Trudeau.
Julien Thibault Lévesque, 30/10/2018
quebec.huffingtonpost.ca